Ma pratique en cabinet me montre tous les jours que les traumas ne sont pas forcément issus d’un crime inimaginable. TOUTES les raisons pour lesquelles on vient me voir en cabinet viennent d’un trauma : un évènement que l’enfant que nous étions n’a pas su interpréter et gérer, même si l’adulte que nous sommes devenus le trouverait bénin. En outre, il semblerait que la France ait une éducation particulièrement traumatique pour ses enfants. Comme nous sommes tous concernés par les traumas, personnellement ou indirectement, il m’a semblé utile de faire un point.
Définition le Robert : choc émotionnel très violent.
Plus précisément, cela peut être un gros choc ou plusieurs « petites » violences à répétition (humiliations, phrases désagréables, situations ambiguës, mains baladeuses…). Par violence, on entend tout type de violence : physique, bien sûr, sexuelle, mais aussi psychologique.
Concrètement, un traumatisme a lieu lorsque une violence qui lui est faite dépasse les capacités d’adaptation de la personne : c’est-à-dire que cela génère un stress tellement important que la personne n’arrive pas à « gérer ». En d’autres termes, la personne s’est sentie sans défense ou impuissante.
EVALUATION :
Il y a plusieurs degrés de traumas. L’évaluation étant personnelle. Qui peut prétendre savoir si un événement de votre vie est plus douloureux qu’un autre par rapport à ses propres critères? Vous êtes donc les seuls à pouvoir déterminer l’intensité du trauma.
CREATION D’UN TRAUMATISME
Pour vous épargner un cours compliqué sur le fonctionnement du cerveau, je vais être très schématique :
Lorsque nous vivons un événement nous y associons une émotion plus ou moins agréable. Cette information est ensuite traitée par différentes parties et glandes du cerveau jusqu’à arriver dans les 2 lobes frontaux. Elle y est analysée par la pensée qui, généralement, constate que nous sommes en sécurité. L’information est passée « normalement ».
Or, sur son chemin, l’information doit passer par l’amygdale cérébelleuse. C’est elle qui décide si un événement est nocif ou si l’on est en sécurité, et s’il est agréable ou non.
Il arrive parfois que l’évènement ne soit pas agréable ou fasse peur et l’amygdale considère alors que nous ne sommes pas en sécurité. À ce moment-là, il y a comme un « bug » : l’amygdale retient l’émotion car elle n’arrive pas à la traiter. Nous sommes submergés par l’émotion, la pensée n’ intervient pas pour rationaliser. En ce qui concerne cette émotion, on pourrait dire que le cerveau n’a pas « digéré » l’information qui n’arrive pas aux lobes pré frontaux.
LE MODE SURVIE
Pour le cerveau, le temps s’est figé, et il repasse ainsi cette évènement/émotion en boucle. Cette émotion étant toujours au présent, il suffit d’un stimulus pour réactiver l’émotion et la ressentir comme au premier jour. La peur et le fait que ce soit désagréable à vivre engage notre cerveau reptilien, responsable de notre survie.
Outre déclencher de l’adrénaline, voire du cortisol, il a 2 réponses : FLIGHT or FIGHT, c’est-à-dire fuir ou se battre et parfois FREEZE, c’est-à-dire être tétanisé.
AUTO REGULATION
Stephen Porges, Inventeur de la théorie polyvagale, a découvert que nous sommes constamment en mode survie . Cette programmation millénaire par défaut nous rend prêts à nous battre ou à fuir. Pour que cela soit vivable, l’humain, au cours de son évolution, a développé le nerf vagal ventral qui va réguler nos émotions. Nous sommes constamment en train de nous adapter à notre environnement, évaluant si nous sommes en sécurité ou pas.
Dans le cas d’un traumatisme, toute situation déclenchant une émotion qui nous rappelle (inconsciemment), de près ou de loin, ce trauma nous déclenche la même réaction émotionnelle irrépressible de la première fois, où la réflexion cognitive n’intervient pas.
Que les pensées (le système cognitif) puissent intervenir permet de nommer l’émotion, donc de l’identifier et d’évaluer sereinement la réalité et l’intensité du danger et de pouvoir y apporter une réaction adaptée.
Par exemple, si un bruit un peu fort nous surprend : Il y a d’abord une émotion de peur. Puis on analyse l’environnement pour constater que ce n’était qu’une porte qui claque. On est rassuré. L’affaire est classée.
Si nous ne pouvons faire sens de ce bruit, alors ce qui suit sont les réactions émotionnelles qui nous allons mettre en place et nous mettre en mode survie : fuir ou se battre. La peur première sert donc d’alarme : ce n’est rien de plus. Très utile, elle nous met en alerte.
Dans le cas d’un trauma, les alarmes ne sont pas analysées et sont toutes prises pour signe d’un danger réel. La pensée n’intervient pas, nous sommes immédiatement submergés par nos émotions, ce qui a de multiples conséquences.
Contrairement à ce que nous dit la chanson : avec le temps, tout ne s’en va pas !
LA BOUCLE TRAUMATIQUE :
Donc, lorsqu’une émotion est retenue par l’amygdale, elle forme une boucle traumatique : elle tourne littéralement en rond et elle peut rester là des années, comme dans une petite boîte. La boîte peut parfois s’entr’ouvrir et déranger son hôte, le mettre mal à l’aise, sans qu’il ne sache trop pourquoi.
Et puis parfois, la boîte s’ouvre complètement et là, tout ressort.
Pour chaque événement, nous créons une carte neuronale : cela peut correspondre à des savoir-faire comme marcher, manger, lire, parler et des savoirs-être comme se tenir en société, la politesse, etc.
Lorsque la boucle traumatique sort de sa boîte, elle continue de tourner et vient déranger d’autres cartes neuronales qui ne sont pas liés à l’événement, les percutant, les détachant, les désorganisant. Cela peut aussi provoquer des rêves récurrents. Ce phénomène a été observé chez les vétérans du Vietnam qui avaient des rêves récurrents et qui perdaient petit à petit la capacité de manger ou d’avoir un comportement social adéquat.
GENERALISATIONS :
Sans compter que l’Inconscient à tendance à tout généraliser. C’est très utile pour l’apprentissage. C’est ainsi que nous marchons, parlons, savons qu’un chat est un chat ou que nous pouvons ouvrir une porte.
Mais lorsque, par exemple, l’on ne s’est pas senti-e en sécurité à la maison (de parent absent à différentes violences). Nous allons alors faire l’apprentissage, par exemple, que le monde est dangereux, qu’il faut toujours être sur le qui -vive. Et de, disons, un père toxique, nous généralisons à « tous les hommes », puis « tout le monde », pourquoi pas ? Nous allons ainsi nous faire une représentation du monde basée sur ce trauma et les apprentissages que nous en avons faits pour nous protéger (nos réactions émotionnelles, nos comportements), nous créant ainsi des croyances sur les hommes, les Autres, de l’agoraphobie, l’incapacité de faire confiance à quiconque, etc.
Cf blog ; « les croyances »
RETROUVER SON POUVOIR
Des militaires en guerre qui en avaient vu de toutes les couleurs et ne s’en portaient pas plus mal, se sont retrouvés un jour sur le lieu d’un massacre récent. Et bien, c’est cela qui les a traumatisés : le fait qu’ils soient arrivés trop tard et n’aient pas pu agir.
Le fait de ne pouvoir agir, de se sentir impuissant est primordial car on perd sa liberté.
CONSEQUENCES :
Différents symptômes (réaction émotionnelles) que je vois en cabinet bien souvent viennent de ce sentiment d’impuissance :
Basse estime de soi, sentiment d’être incapable, d’échouer tout le temps, que tout est de notre faute, qu’on ne peut pas compter sur les autres, jouer le rôle de victime, paranoïa, vouloir « sauver », aider les autres, insomnies, phobies… choisissez votre poison :/
De plus, le traumatisme s’inscrit et est visible dans notre corps : des tremblements, crises d’angoisse, TICs, bégaiements, rougir, éruptions cutanées, maladies psychosomatiques, et cetera. Il est important d’identifier les stimuli.
Je recommande vivement le travail de janina Fisher.
Deux extraits en Anglais US sous-titrés Anglais. Elle parle très lentement ;)
Conférence en Anglais US non sous-titrée:
EN CAS D’URGENCE :
Si vous vous trouvez en présence de quelqu’un qui vient de subir un traumatisme :
Dans les 4 h suivant l’évènement :
* Amenez-le chez un professionnel en DNR ou, à défaut, en EMDR, TIPI etc.
* Tapotez ses genoux ou ses mains alternativement, avec deux doigts, au rythme de 2/ sec. Gauche droite gauche droite…pendant au moins 10 min.
Faute de quoi, la boucle traumatique se forme et n’est complète qu’au bout d’environ 4 semaines.
Il est inutile d’intervenir dans cet entre-temps, car rien ne peut arrêter la formation de la boucle traumatique.
* Les témoins: Amenez-les également à raconter l’événement : cela leur donnera une impression d'être utile et donc, d’avoir eu un rôle, ne serait-ce que celui de témoin.
SOLUTIONS :
En cabinet, je vous amène à retrouver cette liberté perdue, reprendre le pouvoir sur vous-même, et par la même, le choix de vos émotions. Par exemple, ne pas continuer une crise d’angoisse qui se déclenche, retrouver votre estime de vous-même, vous pardonner...
De nombreuses thérapies permettent maintenant à l’information de passer, au cerveau de gérer et « digérer » l’émotion et qu’ elle poursuive son chemin jusqu’au cerveau pré frontal, pour y être traitée et archivée, comme les autres. Ce qui diffère, ce sont les techniques pour y parvenir. Plus d'infos.
Vous n’oubliez pas. Simplement, l’émotion associée est déconnectée. C’est comme si vous aviez eu une migraine : en m’en parlant vous ne ressentiriez pas la douleur, n’est-ce pas ? Il ne vous en resterait pas le souvenir désagréable , juste le souvenir que c’était désagréable.
Le prochain blog sera sur la Théorie Polyvagale qui vous apportera d’autres éléments de solution.
L’ENFANCE DURE TOUTE LA VIE
Je vous laisse avec ces deux liens que je considère des « Musts » où Isabelle Filliozat parle d’éducation. Il n’est pas nécessaire d’avoir des enfants pour les écouter, car cela s’adresse aussi aux anciens enfants que nous étions, et que nous sommes toujours quelque part, traumatisés souvent par le type d’éducation que nous avons reçue. En espérant que cela vous apporte un éclairage nouveau.
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J’espère que ce blog sur les traumatismes vous aura apporté quelques éléments de réponse, quelques pistes à explorer 😉
Permettez-vous de laisser un 👍, commentaire ou suggestion. Merci de votre visite sur mon Blog. A bientôt pour d’autres sujets passionnants !
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